L’ENVERS DU DOSSARD #1 : MA COURSE DE RENTRÉE, SUR LE TRAIL DE LA SAINTE VICTOIRE
Un dossard, c’est plus qu’un bout de papier. C’est un fragment de vie. On s’attache souvent au numéro de devant, mais on oublie parfois ce qu’il y a derrière. Récit immersif et compte-rendu de ma première course de la saison.
Chère lectrice, cher lecteur,
Tout d’abord, un petit mot simple et chaleureux pour t’accueillir à l’heure d’ouvrir les portes de ce nouveau projet de blog, où je t’emmènerai en immersion dans ma démarche d’athlète-reporter. J’y proposerai tout au long de cette saison mes séances-clés, mes comptes-rendus de compétitions & mes rencontres marquantes. L’idée étant de partager avec transparence, malice & authenticité ma passion pour le trail et l’écriture.
La première rubrique de ce blog s’intitule « L’ENVERS DU DOSSARD ». L’intention est de te raconter l’histoire de chaque épreuve, sans rien cacher : mes ambitions, mes satisfactions, mes déceptions, ma stratégie, mes apprentissages & mes réflexions. Une initiative qui commence ici, avec un plongeon dans ma première course de la saison, sur le Trail de la Sainte-Victoire, un évènement parfaitement représentatif des organisations locales qui font le charme indicible de notre sport et s’avancent comme les garde-fous de ses plus belles valeurs.
LE CONTEXTE : UNE PRÉPARATION HIVERNALE SEREINE & STUDIEUSE
Un dossard, c’est plus qu’un bout de papier. C’est un fragment de vie. On s’attache souvent au numéro de devant, mais ou oublie parfois ce qu’il y a derrière : une préparation méticuleuse, des litres de sueur, un objectif officieux rêvé, un objectif officiel annoncé, des doutes, du stress, un sommeil perturbé, un fight, de la joie, des endorphines... Bref, un dossard, ça secoue. C’est la raison pour laquelle, j’avais, ces mois-ci, la volonté de les raréfier.
Pour assimiler les bouleversements positifs & négatifs qu’amène dans la vie d’un petit gars normal un podium à l’UTMB.
Pour me laisser le temps de construire un nouvel équilibre.
Pour enchaîner les semaines d’entraînement sans cette pression liée à l’imminence d’une ligne de départ.
Pour poser patiemment les fondations non pas d’une saison, mais d’un nouveau chapitre.
Pour laisser remonter l’envie et ressentir la dalle, la joie, la vraie, à l’instant de dégainer à nouveau mes 4 épingles.
À l’heure de m’élancer sur ces 43 km, en ce dimanche matin de début de printemps, je suis habité par la sensation du travail bien fait. J’ai validé ces objectifs de « manière » plutôt que de résultats :
Après avoir traversé quelques zones de turbulences à l’automne, je me sens épanoui et apaisé dans mon quotidien. Familialement, auprès de mes proches. Professionnellement, avec toujours ce double-projet et la possibilité de travailler à côté du trail : un choix dont je fais une force, pas une excuse. Sportivement, avec une aventure de long terme, auprès de On, une équipe dont la dynamique et la vision me correspondent plus.
99% du temps passé chez moi à Combloux. Je me suis amusé à un petit jeu : passer un maximum de nuits dans le même lit, dans mon cocon, et les compter. Pour le casanier que je suis, la stabilité amorce la sérénité. Comme un Iphone, je ne me recharge jamais autant que lorsque je suis pluggé à ma base.
14 semaines consécutives d’entraînement, depuis mi-décembre, avoisinant un volume hebdomadaire moyen situé entre 25 et 30h de sport. Avec 2 focus précis :
Prendre du plaisir sur les skis (un peu plus de 180 000 m de dénivelé positif avec les copains cet hiver).
Intégrer & apprendre à aimer la préparation physique (avec 6 séances par mois environ) (merci Adri).
L’ÉVÈNEMENT : UNE COURSE LOCALE FIDÈLE AUX VALEURS DU TRAIL
”Au départ, tous les ingrédients sont réunis : un grand soleil, des couleurs absolument magnifiques, des bénévoles souriants et des concurrents motivés.”
Pourquoi le Trail de la Sainte-Victoire ? Car il se goupille parfaitement avec mon calendrier sportif et répond à ma volonté de rester connecté à ces « petites courses » qui fondent le socle de ma passion. Mon « premier objectif » de la saison sera en effet le 100 k du Grand Raid du Ventoux by UTMB, avec l’espoir d’y décrocher ma qualification pour l’UTMB 2026. Nous avons donc effectué – avec Adri, mon pote, mon kiné, mon prép physique & mon sparring-partner – la reconnaissance intégrale du parcours, en deux jours : 53 km & 3000 D+ le jeudi ; 44 km & 3000 D- le vendredi.
Cette course offrait alors une magnifique opportunité de compétitionner à proximité, sur un terrain aux caractéristiques quasi-similaires à celui du Ventoux ; avec un peu de fatigue certes, mais surtout beaucoup d’envie et peu de pression. Au départ, tous les ingrédients sont réunis : un grand soleil, des couleurs absolument magnifiques, des bénévoles souriants et des concurrents motivés.
LE PARCOURS : UN PROFIL POUR “PUNCHEUR”
”Au menu, du roulant, ou du très technique. Soit c’est de la piste forestière à perte de vue, soit c’est du caillou à ne plus savoir qu’en faire.”
Le parcours de ce trail est une parfaite synthèse de ce à quoi ressemble notre sport dans le Sud. Ici pas de compromis : au menu, du roulant, ou du très technique. Soit c’est de la piste forestière à perte de vue, soit c’est du caillou à ne plus savoir qu’en faire. D’un point de vue du dénivelé, les sorties sont rarement copieuses, en revanche, elles se révèlent toujours cassantes, car les montées et descentes ne sont jamais bien longues. Il est donc difficile de « prendre son rythme », comme de par chez nous, dans les Alpes. Tu l’as compris, au pays de Pagnol, il fait bon avoir un profil de « puncheur ». La course du jour nous promet également un bel aperçu de cette montagne emblématique – massive et minérale – qui jaillit de l’horizon depuis l’autoroute et interpelle de par sa singularité.
MA COURSE : FOCUS SUR LA TACTIQUE & LA NUTRITION
À 5h30, lorsque le réveil m’extirpe d’un sommeil perturbé (veille de course, tu connais), le niveau d’énergie est plutôt bon malgré la semaine déjà copieuse. À l’heure de s’échauffer – un bol de mueslis, deux œufs, une pomme & un café plus tard – les sensations sont plutôt encourageantes. Les jambes sont en phase avec la tête & le cœur : elles ont envie de courir. Mon ambition est simple, limpide : faire du mieux possible, avec les armes du jour. Je souhaite également apporter une vigilance accrue à deux aspects de la performance qui jusqu’à présent me font défaut : le sens tactique et la nutrition (par ici pour tous les conseils de Miles Republic pour gérer ton ravitaillement sur trail long).
Le départ est « contrôlé », pour ne pas dire lent : ça s’observe. Je reste en retrait : je ne connais ni mon état de forme, ni le parcours. Dès le premier raidard, au km 3, un petit groupe de tête se forme. J’en fais partie. Sur les faux-plats montants et singles joueurs suivants, Augustin Kerhardy accélère. J’accroche. Nous attaquons la principale difficulté du jour – une ascension technique de 300 m de D+, avec passage de corde, jusqu’au Pas du Moine – avec 30 sec d’avance. Je grimpe en tête. Les sensations ne sont pas exceptionnelles mais elles demeurent correctes au regard du bloc d’entraînement : j’ai de la force en bosse et le cardio suit convenablement. À la bascule, à la faveur d’une petite erreur d’aiguillage, Augustin prend le lead dans la descente tout aussi technique et s’envole : sur ce segment Strava précis d’une dizaine de minutes, le cabri prendra 2 min 30 à tous les concurrents. On ne je joue pas dans la même cour. De mon côté, j’essaye de descendre fluide, tonique, à un rythme plus soutenu qu’en ultra, mais sans prise de risque inconsidérée : il ne faut pas confondre course de préparation et course objectif. Nos deux poursuivants nous rattrapent. Au pied, à l’amorce du deuxième chapitre de course, je suis 4ème.
”Je récupère rapidement la 2ème position mais comprends que la victoire demeurera le nom d’une montagne ce dimanche et pas le titre d’une activité Strava.”
Je ne m’affole pas et reste focalisé sur mes ambitions du jour : la nutrition et la tactique. Je croise mon frère et Malou, venus me faire les ravitaillements, et Léo, les photos : ça me booste. Je sais cette seconde moitié d’itinéraire tout en relances inadaptée à mes qualités, mais je me mets à mon train. J’ai jamais bossé à la SNCF mais celui-ci fait ma force. Je récupère rapidement la 2ème position mais comprends que la victoire demeurera le nom d’une montagne ce dimanche et pas le titre d’une activité Strava : au km 30, Augustin a encore grapillé du temps, il évolue 4 min devant. Je switche mentalement : j’oublie le résultat et me concentre sur mon effort. Une seule pensée : bien bosser en vue du Ventoux. Je me réfère pour cela à des indicateurs statistiques, checke régulièrement ma montre et m’applique à rester au-dessus du seuil SV1. Je conserve des sensations correctes jusqu’à 6 km du terme, où je subis un bon coup de chaud (les premières chaleurs, ça aussi tu connais). Forcément, dans ces conditions, rallier l’arrivée se veut moins agréable, mais je m’emploie. Ouais, la chanson dit vrai : dans le Sud, le temps dure longtemps, surtout quand tu es déshydraté. Pas grave, il fait toujours bon aller visiter la Pain Cave et se rappeler à son bon souvenir lorsque l’on aspire à devenir un bon coureur d’ultra-trail.
Je franchis ainsi la ligne d’arrivée en 3h33, 9 min derrière le vainqueur, 1 min devant le troisième, et 8 min plus tôt que le 4ème. Pour 43 km et 1750 m de dénivelé selon la montre. On ne va pas se mentir, je suis bien rincé et accueille la possibilité de poser les mains sur mes quadriceps fourbus comme un soulagement. Le cornet deux boules « citron – caramel au beurre salé » a la saveur du mérite (vraie bonne idée ça, le camion de glace artisanale à 30 m de la ligne).
LE BILAN : 7 SUR 10
7 sur 10. Je suis globalement satisfait : j’ai été studieux à défaut d’être très bon.
On sent forcément poindre une once d’amertume lorsque l’on finit deuxième. Même en tentant de la contextualiser (justifier) au regard du contexte – « tu étais fatigué, ce n’est pas ton format, tu es tombé sur meilleur que toi » – l’ego pointe toujours le bout de son nez. Néanmoins, avec le recul, je ressens une certaine fierté. Je tends à marcher dans les pas de ces sportifs que j’admirais : ceux qui acceptent de s’exposer à la rouste en course de prépa, en espérant y planter les graines qui permettront de délivrer sur les objectifs qui comptent vraiment.
J’apprivoise aussi petit à petit l’évolution de la perception à mon égard. C’est dur de courir avec une cible dans le dos. C’est dur de lire dans le regard de tes adversaires un supplément d’âme dans le simple fait de te battre. C’est dur de se convaincre qu’ils en ont après l’athlète et pas l’Homme. Je comprends, je fais pareil sur mes courses objectifs. Je ressens le feu quand je double Mathieu au col du Bonhomme ou Jim à Courmayeur. Oui, ça motive de fou. C’est certainement pour cela qu’il est plus difficile de confirmer que de percer. Car il faut composer avec ce changement de perception.
MON ÉQUIPEMENT : MA PREMIÈRE AVEC ON, LA CONTINUITÉ AVEC NÄAK
Pour la tenue, le « Race kit » de On, dont j’apprécie la DA « spatiale », la technicité incroyable du cuissard et le sac, très abouti de mon point de vue.
Pour les chaussures, un prototype de Cloud Ultra 3, performantes dans les terrains techniques.
Les lunettes Julbo ‘Density’ avec un verre photochromique, que j’adore, par habitude.
Pour la nutrition : 100 gr / glucides par heure à base exclusivement de produits Näak :
2 flasques de 500 mL avec la nouvelle boisson Drink Mix Boost (80 gr de glucides par flasque), 1 flasque de 500 mL avec le Drink Mix classique (55 gr de glucides par flasque), 3 compotes énergétiques (25 gr de glucides par unité), 2 gels Boost (25 gr de glucides par unité).
LA SUITE : LA GLACE & LA MAURESQUE AVANT LE DERNIER BLOC DE PRÉPARATION
À très court terme, à l’issue de cette course éprouvante, se trouvent une glace donc, puis une petite mauresque – tradition oblige, au singulier, pas au pluriel – avec mes proches à la terrasse d’un café qui présentait tous les attributs d’un troquet du Sud tel qu’on l’imagine. À moyen terme, une période de récupération pour assimiler le travail effectué. Dans ces moments, la présence du double-projet m’apparait fondamentale : notre intérêt se porte sur autre chose que le trail, ce qui rend le repos physique plus doux et acceptable. Ensuite, à partir du week-end prochain, certainement que Simon Gosselin, mon coach, mon pote, depuis 6 ans, me proposera un dernier petit bloc spécifique pour le Ventoux by UTMB, avant d’amorcer la si challengeante phase d’affûtage.
Pour conclure, à nouveau, un petit mot chaleureux : merci d’être allé au bout de ce récit aux allures d’ultra. Bravo, il en faut de la résilience et de l’endurance de motivation ! Ce premier récit se veut exploratoire et perfectible. N’hésite donc pas à utiliser ton regard critique – positif et négatif – pour m’aider à l’améliorer en commentant cet article.
Merci pour ton soutien !