The Speed Project : pas de règles, pas de limites, un max de frissons
Chaque année aux États-Unis à une période tenue secrète, on peut apercevoir une nuée de coureurs filant à toute berzingue sur les routes et les étendues désertiques qui relient Los Angeles et Las Vegas. Leur raison ? Le Speed Project : une course de relais clandestine de 340 miles d’un genre un peu particulier.
Pas de règles, pas de spectateurs. La seule chose dont tu es sûr, c’est du point de départ et de l’arrivée, qu’il faudra rallier le plus vite possible avec ton équipe.
Le Speed Project, ou TSP, est avant tout une histoire de potes. La course trouve son origine dans le projet fou de Nils Arend et Blue Benadum qui décident, un beau matin de 2013, de rallier Los Angeles à Las Vegas à la force de leurs mollets. Accompagnés de quatre de leurs amis, ils posent les bases de qui allait devenir le Speed Project : une course de relais sauvage de 548 kilomètres à travers certaines des zones les plus inhospitalières de l’Ouest américain. Un périple dont ils viennent à bout en 41 heures.
Plutôt contents de leur expérience, les deux zozos décident d’en faire une vraie course. Un ultra-trail d’un genre un peu particulier. Où il n’y aurait ni règles, ni dossards, ni même de spectateurs. Une course qui redonnerait au running ses lettres de noblesse en le réduisant à ce qu’il a de plus brut et de plus dépouillé, en ralliant un point A à un point B le plus rapidement possible.
Leurs motivations sont simples : s’affranchir des codes traditionnels de la course à pied pour créer un événement comme il n’en existe aucun à l’époque. Depuis, l’épreuve n’a pas cessé d’alimenter sa propre légende, mais aussi d’évoluer.
Le Speed Project, c’est un peu la course dont vous êtes les héros toi et tes potes : le passage de relais n’étant sanctionné par aucune règle, c’est à vous seuls de déterminer la stratégie à adopter pour arriver à Las Vegas le plus rapidement possible. En clair, tu peux courir une, dix ou cinquante fois, sur une, 10 km ou cinquante bornes. Tout dépend de tes jambes, de ton mental et de ton état de déshydratation dû à la chaleur du désert. Sur la route, aucun ravitaillement ni check-point, puisque la course se déroule en totale autonomie. Les participants affrètent en général d’imposants camping-cars pour transporter de quoi se nourrir, s’hydrater et pour se reposer leurs corps fatigués lorsqu’ils ne courent pas. Galoper dans le désert assisté de tes meilleurs potes entassés dans un camping-car qui sent les pieds, la définition même du bonheur, non ?
Le parcours ? Il n’en existe pas d’officiel. Il y a bien un tracé suggéré, calqué sur l’édition zéro du TSP, mais celui-là, tu en fais ce que tu veux. La seule obligation, c’est d’éviter les autoroutes. Ce qui ne t’empêchera pas de longer d’interminables voies rapides, frôlé de près par des poids lourds. Certaines équipes tentent parfois le tout pour le tout en quittant la route à la recherche d’un éventuel raccourci, à leurs risques et périls. En tout cas, pas d’autres choix que de traverser la vallée de la Mort, un bout de désert au nom évocateur qui a la particularité d’avoir enregistré le pire pic de chaleur que l’homme ait jamais connu. Tu pourras également croiser des villages abandonnés, des canyons et même un cimetière d’avions… En prenant soin d’éviter les chiens errants qui n’hésiteront pas à se lancer à tes trousses. Après, ça peut toujours motiver à exploser le chrono… En gros, tu l’auras compris, le Speed Project est une course aussi exceptionnelle qu’impitoyable où tout peut arriver.
Au-delà de la course d’origine entre Los Angeles et Las Vegas, d’autres moutures du TSP ont vu le jour au fil des années. En 2020, pandémie oblige, l’événement a su s’adapter pour proposer une épreuve qui collait aux interdictions de déplacement. Toujours en équipe, les participants devaient parcourir la plus longue distance possible en 31 heures et 15 minutes (le record de l’époque), où qu’ils se trouvent sur la planète. L’an dernier, c’est au Chili que se sont donné rendez-vous les coureurs. Au programme : un parcours de 490 kilomètres à travers le désert brûlant d’Atacama. Enfin, tu as peut-être aussi entendu parler cette année du TSP CHX, où des centaines de coureurs se sont retrouvés place du triangle de l’amitié à Chamonix, pas pour courir l’UTMB mais pour galoper jusqu’à Marseille.
Tu t’en doutes, on ne s’inscrit pas au Speed Project comme à la course en sac de l’asso du coin. Les organisateurs tiennent, malgré la popularité grandissante de l’événement, à garder le caractère confidentiel et DIY de la course. Pas question de dénaturer cet évènement hors du commun.
En clair, beaucoup d’appelés pour peu d’élus. Tu devras attendre ta jolie invitation VIP pour prendre part au projet. Il existe bel et bien un formulaire d’inscription, mais l’absence de site Internet complique un peu la chose. C’est aux aspirants participants de découvrir comment y accéder, en glanant ça et là les indices laissés par l’orga sur les réseaux sociaux du TSP, un peu comme pour participer à la Barkley, par exemple. No pain, no course. Il faut ensuite montrer patte blanche pour avoir une chance d’être sélectionné pour la prochaine édition. La jauge étant (ultra) limitée, il faut évidemment montrer une solide motivation en détaillant les raisons pour lesquelles on veut voir son équipe au départ… Et faire preuve d’un peu d’originalité, forcément.
Plusieurs choix s’offrent à toi pour composer ton équipe. Tu peux par exemple :
Constituer une “OG team”, qui reprend le format d’origine de 2013 composée de 4 hommes et 2 femmes ;
Monter une équipe 100 % féminine composée de 6 femmes ;
Décider de courir seul, assisté ou non (bon courage) ;
La jouer plus tranquille en constituant une équipe freestyle, sans limites de participants.
L’un des aspects les plus excitants du TSP, c’est qu’à ce jour, personne ne sait quel itinéraire est le plus rapide. Ni quelle stratégie est la plus efficace. Les équipes expérimentent encore chaque année pour essayer de débusquer le moindre raccourci leur permettant de gagner de précieux kilomètres. À chaque équipe sa map, son organisation, et sa manière de gérer les nombreux retournements de situation qui vont ponctuer l’aventure.
En 2023, l’OG team des Daddy Braddy’s Stallions décroche le record de vitesse en bouclant sa course en 29 heures et 21 minutes. Pour 340 miles. 547 kilomètres. Rien que ça.
Mais c’est du côté solo que les performances donnent sacrément le tournis. La même année, l’Américaine Lucy Scholz pulvérise les records en vigueur en ralliant Vegas en 84 heures et 45 minutes. Soit 17 heures de moins que le précédent record féminin, et 10 heures de moins que le précédent record masculin. Pas mal pour une coureuse qui n’avait encore jamais dépassé les 160 kilomètres !