LA SÉANCE-CLÉ #2 : MON TEST VO2MAX DE TRAILEUR & SON ANALYSE
« La séance-clé » est une rubrique qui t’embarque en immersion dans ma démarche de performance en trail. J’y partage mes apprentissages & mes conseils sur les entraînements les plus importants de ma préparation.
Au menu de cette deuxième séance-clé, un test physiologique avec Rémi Rivet – un jeune coach réputé, basé à Annecy – pour calculer ma VO2max, déterminer mes seuils ventilatoires (SV1 & SV2), évaluer ma consommation énergétique et éprouver mon économie de course. Ceci afin d’actualiser mes « données » et travailler avec le plus de clairvoyance possible en vue des Championnats du Monde de trail (82 km & 5400 D+), le 27 septembre prochain, dans les Pyrénées espagnoles.
LE CONTEXTE : RETROUVER DE LA FRAÎCHEUR MENTALE & PHYSIQUE
Les Championnats de France de Trail de Val d’Isère m’ont secoué comme rarement. La préparation fut poussive : je n’ai jamais eu de très bonnes sensations à l’entraînement. L’approche de la course fut stressante : je n’ai jamais été aussi tendu avant une échéance. La course fut éreintante : j’ai traversé l’inconfort de A à Z, eu égard à la rudesse du parcours et à l’âpreté de la bataille. L’émotion à l’arrivée fut intense : les verrous se sont ouverts d’un coup et la joie s’est déversée en moi. Avec cette médaille de bronze, j’ai décroché ma qualification pour les Mondiaux, et l’opportunité de représenter une deuxième fois mon pays, après ma première sélection en 2023.
Rincé mais heureux, les deux semaines d’après-course ont été orientées de telle sorte que je retrouve cette fraîcheur physique et mentale que j’avais perdue depuis mon fight avec Ben Dhiman, au Ventoux by UTMB. J’ai complètement déconnecté : temps chill avec mes proches, siestes à gogo, un peu de boulot à dose homéopathique sur mon autre projet professionnel, sport-plaisir, festival de musique avec les copains... Je suis revenu à l’entraînement avec envie et apaisement, motivé et déterminé. Dans ce contexte, quoi de mieux, donc, qu’un test physiologique pour poser les bases ?
«...m’entraîner au plus juste en vue d’une deuxième partie de saison qui me mènera aux Mondiaux puis à la Diagonale des Fous. »
Le dernier datait d’il y a 3 ans. L’idée ici était donc de réactualiser l’ensemble de mes valeurs, pour m’entraîner au plus juste, dans les bonnes zones, en vue d’une deuxième partie de saison qui me mènera aux Mondiaux, dans une logique de performance, puis au Grand Raid de la Réunion – inch’allah, 3 semaines après – dans une optique de découverte et de retrouvailles avec l’ultra-trail.
LA SÉANCE : LE TEST VO2 MAX
Le test a été réalisé avec Rémi Rivet, à la Fabrik, un espace magnifique & flambant neuf dédié à la performance, qu’il vient de lancer, avec son associé, sur les hauteurs d’Annecy. Rémi collabore avec mon coach, Simon Gosselin, sur son projet d’athlète. En gros, le mec est bien sympa, et surtout bien calé !
Un test incrémental avec des paliers de 4 min à une vitesse déterminée, sur une pente à 15%, pour déterminer les seuils ventilatoires : SV1 & SV2.
Un test de VO2max pur, jusqu’à l’échec, sur une pente à 20%, avec une augmentation progressive de la vitesse ascensionnelle.
SV1, SV2, VO2 MAX, ÉCONOMIE DE COURSE ... QUELQUES DÉFINITIONS POUR COMPRENDRE :
Point définition (ou plutôt ce que j’en ai compris, via Rémi) : La VO2Max, ou consommation maximale d’oxygène, représente la quantité maximale d’oxygène qu’un individu peut utiliser par minute lors d’un effort physique intense. En d’autres termes, plus ta VO2Max est élevée, plus ton corps est capable de produire de l’énergie efficacement à partir de l’oxygène, ce qui est essentiel pour les sports d’endurance comme le trail, la course à pied ou le cyclisme.
Miles Republic t’a d’ailleurs déjà concocté un bel article pour savoir comment calculer ta VO2Max. Vas y jeter un œil !
Maintenant : la définition du seuil ventilatoire (j’avoue que Chat GPT m’a un peu aidé car j’ai pas eu le temps de prendre des notes) :
Le seuil ventilatoire correspond à un palier physiologique observé lors d’un effort progressif.
Le seuil ventilatoire 1 (SV1) est le seuil aérobie. Lorsqu’on le franchit, c’est le début de l’intensification de l’effort : on sort de l’endurance fondamentale, on commence à utiliser autre chose que l’oxygène comme source d’énergie et le lactate apparait doucement. C’est aussi la zone dans laquelle on passe le plus de temps en ultra-trail, d’où son intérêt.
Le seuil ventilatoire (SV2) est le seuil anaérobie. C’est le point critique à partir duquel la fatigue s’accumule très vite. La respiration s’accélère fortement tout comme la production de lactate. Bref, pour résumer, c’est quand on va au charbon, ou du moins lorsque l’on arrête de sourire.
Pourquoi est-il intéressant de connaître ces seuils ventilatoires ? Pour s’entraîner dans la bonne zone & apprendre à gérer son effort, ce qui est fondamental en ultra-trail.
La définition de l’économie de course (c’est la dernière, après j’arrête, sinon je vais t’endormir comme une étape du Tour de France en plaine) : L’économie de course désigne la quantité d’énergie qu’un coureur utilise pour maintenir une vitesse donnée. En d’autres termes, c’est la capacité à courir efficacement, en consommant le moins d’énergie possible pour une allure donnée.
L’ANALYSE DU TEST : RÉMI RIVET INTERPRÈTE MES RÉSULTATS EN 10 POINTS
(Je vous ai retranscrit notre échange de façon brute et transparente).
1. Ce test n'est pas du tout prescriptif, mais informatif
« Le test s’inscrit dans une logique de point de passage, dans la continuité de ta saison. Après ton gros bloc de préparation en altitude pour les Championnats de France, l’idée était d’actualiser les données physiologiques et aider à la prise de décision de Simon Gosselin, l’entraîneur. »
2. Le corps trouve toujours un moyen de compenser un facteur qu’il n’a pas !
« Ta VO2max reste modérée pour un athlète de ton calibre, mais tu compenses par des % associés assez élevés, notamment le SV1, situé à 77-79% de cette valeur (et 173 bpm de fréquence cardiaque pour une FC Max à 194). À titre de comparaison : chez quelqu’un de bien entraîné, ce seuil oscille entre 60 et 70% ; et chez des marathoniens élites affichant des chronos de 2h05 sur la distance, il atteint 80%. Autrement dit, tu n’as pas un 100% élevé, mais tu peux maintenir un haut pourcentage de ce maximum TRÈS longtemps. Selon ce test réalisé en indoor, sur tapis (donc à objectiver lorsque l’on transfert vers le terrain, en conditions réelles), tu franchis ce SV1 à une vitesse ascensionnelle de 1550 m/h sur une pente à 20%. Pour des traileurs confirmés, le franchissement de ce seuil se situe plutôt autour de 1000-1100 m/h. Globalement, cela signifie qu’en dessous de 1500 m/h, tu es en endurance, et que tu peux donc maintenir de hautes allures à une intensité largement soutenable pour toi. »
« Tu n’as pas un 100% élevé, mais tu peux maintenir un haut pourcentage de ce maximum TRÈS longtemps.»
3. Le profil s’adapte à la demande
« Si on questionnait ton profil brut, on affirmerait que ton secteur de très haute-intensité te limite. Mais tu t’orientes vers des efforts d’ultra-trail qui ne requièrent pas ces qualités. C’est l’une des raisons pour laquelle tu ne développes pas ces compétences. Pour résumer, l’intérêt d’augmenter ta VO2max est relative s’il s’avère que c’est une zone d’effort que tu n’utilises que très peu dans ta pratique. »
4. La puissance de l’intuition
« Tu as su me donner à un battement prêt, à l’aveugle, à la sensation, l’instant précis où tu franchissais ton SV1. Ceci prouve qu’avec le temps, tu es devenu extrêmement intuitif et compétent dans ta capacité à estimer l’intensité de l’exercice. Forcément, c’est un énorme avantage quand il s’agit de gérer son effort pendant des heures. Cette faculté d’auto-régulation est très intéressante dans une stratégie de pacing. »
5. Le lactate en guise de confirmation
« Sur la séance d’intensité que tu as effectuée par la suite, une prise lactate a été réalisée autour de 175 bpm. Elle était de 1,7 mmol/L, ce qui atteste bien qu’à cette intensité, tu demeures sous le seuil aérobie. Cela confirme le précédent test ainsi qu’une très bonne économie de course. »
6. Ton SV2, je ne sais pas si tu l’as déjà franchi cette année
« Ton seuil ventilatoire 2 est situé autour de 185 bpm. Si tu monitores toutes tes séances d’intensité avec un cardio, et que tu n’as pas vu s’afficher cette valeur sur ta montre depuis le début de l’année, cela signifie que tu n’as possiblement jamais bossé au-dessus de SV2 cette saison ! Ton coach est gentil ! »
Précision : la fréquence cardiaque n’est pas toujours corrélée à la stimulation du VO2max (ex : 90% de VO2max ne correspond pas toujours à 90% de FC max). En revanche, cela demeure l’un des indicateurs les plus fiables pour nous en informer.
7. Ta dépense énergétique sur les différents seuils
« Autour de ton SV1, tu consommes environ 1000 kcal/heure. C’est dans la moyenne. Et traduit différemment, cela démontre que sur une allure de type « zone 2 » ou « allure course ultra », ta dépense énergétique se révèle soutenue. Cela prouve également que même si l’intensité de l’effort peut paraître modérée, il faut manger, beaucoup ! Et toi encore plus, car tu peux maintenir cette allure et donc ce niveau de dépense énergétique très longtemps. »
« Autour de ton seuil ventilatoire 1 à nouveau, 27% de ta contribution énergétique provient des lipides et 73% des glucides. Cela prouve bien qu’à basse intensité, on ne brûle pas que des graisses ! Bien au contraire. D’où l’importance de consommer des glucides à l’effort, peu importe l’allure. »
9. Ta lipolyse est efficace
« Ton pic d’oxydation des lipides est important par rapport à la moyenne : tu es capable de brûler jusqu’à 1,02 g de graisses par minute, contre 0,6 pour des athlètes entraînés. Ceci offre plusieurs avantages en ultra-trail : tu as plus de carburant disponible, puisque les graisses sont une source d’énergie quasi illimitée comparée au glycogène ; tu retardes l'épuisement de tes réserves de sucre, prolongeant ainsi ton endurance...
...tu disposes d’une meilleure stabilité énergétique, avec moins de coups de fatigue et une gestion de l’effort facilitée."
10. La durabilité non-explorée
« Un facteur que je ne peux pas encore caractériser, c’est ta durabilité. C’est-à-dire à quel point tu arrives à limiter la dégradation du profil physiologique que l’on vient de définir au fur et à mesure des kilomètres. Une qualité qui est fondamentale et discriminante en ultra-trail. Mon intuition me dit que tu fais partie de ces personnes très durables qui parviennent à maintenir leur profil très longtemps, mais il faudrait réaliser un test spécifique afin de le prouver. »
Conclusion : « Tu as un profil intéressant pour l’ultra-trail. Tu devrais essayer ! »
MES SENSATIONS : LA COUPURE A ÉTÉ BÉNÉFIQUE
Depuis que j’ai réalisé des performances encourageantes, notamment ce podium à l’UTMB, et puisque je progresse de façon linéaire chaque année, je suis apaisé. De ce fait, ces tests ne me stressent plus comme avant. Au préalable, je m’en faisais une montagne : « Si je n’atteins pas telle VO2max, ou tel SV1, cela ne sert à rien que je poursuive ma démarche de performance, puisque je suis condamné à un plafond de verre ! »
Aujourd’hui, je relativise. Ces données ne dessinent pas une frontière que je ne pourrais pas dépasser, mais des informations sur lesquelles je capitalise. Aussi, je suis profondément convaincu que la compétence en ultra-trail repose sur bien d’autres éléments que les tests ne peuvent encore calculer.
Sinon, sur le test à proprement parler, je me suis senti bien : disposé à l’effort (la FC Max à 194 bpm confirme la fraicheur et l’effet bénéfique de la coupure) ; et mis en confiance par le professionnalisme, la passion et la bienveillance-exigence de Rémi.
Suite au test, j’ai poursuivi par une petite séance : 6 x 3 min au seuil, à plat, avec 1min30 min de récupération. Sur tapis (la première fois que je courrais dessus, j’ai adoré, je vais économiser pour pouvoir en acheter un car j’y vois des leviers de performance). L’objectif était de dérouler un peu la foulée en vue de Sierre-Zinal. En effet, je serai en Suisse cette fin de semaine, car une année sans UTMB et sans projet ultra-trail aux Etats-Unis offre la seule configuration de saison où il m’est possible de découvrir le mythe. J’y vais avec beaucoup d’humilité, sans pression mais avec envie, pour nourrir la passion, vivre cette course historique de l’intérieur et effectuer une bonne séance.
Ensuite, il restera 7 semaines avant les Mondiaux. La fraîcheur sera la clé. Maintenant que je l’ai avec moi, je vais tâcher de l’emmener le plus loin possible.
Un immense merci pour votre soutien quant à ce projet singulier d’écriture. N’hésitez pas à me poser vos questions en commentaire de cet article, je tâcherai d’y répondre ! Et si vous cherchez un lieu propice aux tests, je ne peux que vous recommander la Fabrik et son co-fondateur, Rémi Rivet !