Baptiste Chassagne High Trail Vanoise 2025
© Fédération Française d'Athlétisme

L’ENVERS DU DOSSARD #4 : LES CHAMPIONNATS DU MONDE DE TRAIL

Un dossard n’est pas qu’un simple bout de papier rectangulaire. C’est un fragment de vie qui raconte des émotions, des apprentissages & des anecdotes. Surtout lorsqu’il s’épingle sur le maillot de son pays. Dans cet article, je vous emmène de l’autre côté des Pyrénées, à Canfranc, en Espagne, en immersion dans mon principal objectif de la saison : les Championnats du Monde de Trail. Un récit au cœur de l’équipe de France et de la course la plus relevée de la saison, dossard 3062 accroché sur la tunique « bleu-blanc-rouge ».
Écrit par Baptiste
5 min de lecture Mis à jour le 30.09.2025

LE CONTEXTE : LE ‘GRAAL’ DE NOTRE SPORT

”Les Championnats du Monde – peu importe le sport – représentent un ‘Graal’ athlétique et symbolique.”
Baptiste Chassagne High Trail Vanoise 2025
©Fédération Française d'Athlétisme
Les Championnats du Monde cristallisent les débats. Comment les positionner dans un calendrier de courses déjà dense ? Quelle valeur sportive leur accorder dans une discipline, jeune, où l’UTMB semble hégémonique ? Comment justifier auprès des partenaires qui nous font confiance et financent nos saisons, cette aventure sous l’égide d’une Fédération Française d’Athlétisme qui ne nous considère que trop peu ? Les questions sont souvent nombreuses, mais la réponse, chez moi, s’impose toujours de façon évidente : les Championnats du Monde – peu importe le sport – représentent un ‘Graal’ athlétique et symbolique. De mon point de vue – d’autant plus dans un contexte où l’UTMB s’émancipe via l’influence plutôt que la performance – le trail n’échappe pas à cette vérité. Les Mondiaux sont une ode à l’ouverture et à la cosmopolitanie. Une prise de conscience quant à la diversité et à l’universalité d’une passion qui se pratique dans des massifs montagneux dont je n’avais jamais entendu parlé. L’aimant qui attire les meilleurs athlètes de chaque continent et magnétise le dépassement de soi de ceux-ci, car le traileur est résilient, mais encore plus quand il représente son pays. Lorsque j’arrive à Canfranc, le mardi, avec l’ensemble de la délégation française, et que je m’assois, au réfectoire, pour le premier dîner, entre les équipes portugaises, colombiennes, polonaises et britanniques, j’ai des yeux d’enfant : je suis heureux de m’être qualifié pour cet évènement, ou plutôt d’avoir décroché mon invitation pour cette jolie fête.

L’AMBITION : FAIRE LA COURSE LA PLUS ABOUTIE DE MA CARRIÈRE (JUSQU’À PRÉSENT)

On considère les Mondiaux comme la course d’un jour. En réalité, il s’agit d’une aventure de plusieurs mois. Notamment lorsque tu veux porter le maillot du meilleur pays du monde dans la discipline. La première ambition de ce projet est donc validée avant même de se présenter sur la ligne de départ : faire de la qualification & de la préparation pour cette épreuve une opportunité de progresser en tant qu’athlète ; et vivre une odyssée collective rare, puissante. En effet, au début du mois de septembre, lorsque j’amorce le trajet retour qui me ramène chez moi après notre « Stage Équipe de France » à Briançon, je goûte à la plénitude de la satisfaction : putain, les watts qu’on a sortis et la tranche de vie que l’on vient de s’envoyer avec les copains ! La deuxième ambition, plus concrète, à l’aube du Jour J, est de réaliser la course la plus aboutie de ma carrière (jusqu’à présent, car perpétuel optimiste, j’ai la conviction qu’il y en aura encore de meilleures dans l’avenir). Cet objectif ne dépend que de moi. Forme physiologique, robustesse mentale, finesse stratégique, lecture du scénario de course, intuition et adaptabilité, nutrition : si je franchis la ligne d’arrivée avec la sensation d’avoir poussé tous les curseurs de la performance au plus haut niveau possible, alors je serai comblé, peu importe le classement auquel cela m’amène. Le trail est un effort individuel, mais un sport collectif. Là réside l’essence de notre discipline et les racines de ma troisième ambition : honorer ce maillot et honorer cette équipe, composée de 5 autres bonhommes que j’apprécie fortement. Des potes. Des frères même, si l’on se réfère à la devise républicaine. Défendre le titre de champions du monde par équipe acquis à Innsbruck est une saine et véritable motivation commune ! Surtout au vue de la start-list. Celle qui annonce la course la plus relevée de l’année.
Baptiste Chassagne High Trail Vanoise 2025
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L’ÉVÈNEMENT & LE PARCOURS : « C’EST LES MONDIAUX DE TRAIL OU DE SKYRUNNING ? »

Voici l’interrogation qui s’installe de façon assez unanime à l’issue de la reconnaissance avec l’équipe de France, mi-août. « C’est les Mondiaux de Trail ou de Skyrunning ? » D’un point de vue esthétique, cet itinéraire pyrénéen n’a que très peu de concurrence : c’est extrêmement beau et sauvage... En termes de difficulté non plus, le parcours a peu d’égal. C’est brutal. J’ai cette image du pizzaïolo qui préparerait une bonne pizza au chorizo déjà bien pimentée, et qui rajouterait en plus de la sauce piquante un peu partout, même sur la croûte (celle que tu laisses au bord de l’assiette). Louison Coiffet, le copain vice-champion du monde résume à merveille ce tracé par un adjectif : « foireux ». Beaucoup de hors-sentier : « Tu vois le chemin là ? Et ben, c’est pas là ! C’est à travers champs puis dans le pierrier à droite. » Bref, un chantier de A à Z. 82 km et 5400 de D+ cassants et harassants comme rarement.
Baptiste Chassagme High Trail Vanoise 2025
Événement
Trail
"J’ai cette image du pizzaïolo qui préparerait une bonne pizza au chorizo déjà bien pimentée, et qui rajouterait en plus de la sauce piquante un peu partout, même sur la croûte."

LA COURSE : J’AI RÂTÉ LE DERNIER COUP DE PINCEAU

Aux Mondiaux, tous les repères sont bouleversés. Il faut s’y préparer. C’est peut-être pour cela, d’ailleurs, qu’une deuxième sélection se déroule souvent mieux que la première (Benjamin Roubiol et Louison Coiffet sont deux êtres exceptionnels qui confirment l’exemple). Planning collectif à respecter, arrivée sur place 1h avant le départ, échauffement dans un sas vaste comme un court de tennis, câlin d’équipe avant le débours, boule de trac plus lourde que d’habitude... L’avant-course te fait déjà gaper de quelques points d’expérience. Ma stratégie est assez limpide : une première partie de course « prudente » ; puis une deuxième moitié plus audacieuse, en espérant aller titiller la transcendance.
”Je n’ai pas la grande journée, mais j’ai une belle journée.”
Le niveau est tel qu’ici, un départ « prudent » se caractérise par un premier kilomètre en 3’08. Il faut se placer : on entre rapidement dans un étroit single. Dans la longue bosse initiale de 1500 D+ qui nous amène jusqu’au point culminant du parcours – La Moleta, à 2600 m – je prends mon rythme. Malheureusement, ou pas, cette allure me positionne à équidistance de deux wagons. Celui des 15 premiers, et celui des 15 suivants. Je décide de me faire confiance, même si j’ai conscience qu’il aurait mieux valu être dans les roues. Au sommet, je rattrape Zach Miller et bascule avec lui dans la descente très joueuse. Suivront 3h de course particulièrement techniques à travers des tourbières boueuses, des crètes techniques, des pentes (très) abruptes et des changements de rythme incessants. Je laisse Zach faire la trace (il accélère à chaque fois que j’essaye de collaborer d’un relais : la rivalité France – USA ?). J’économise ainsi un peu l’énergie que j’aurais dû mettre dans l’orientation : en absence de chemins, il s’agit de progresser à vue de fanions en fanions.
Baptiste Chassagne Championnats France Trail 2025
© Fédération Française d'Athlétisme
À mi-course, lorsque l’on s’extirpe des portions les plus tortueuses, je navigue autour du top 15. Les sensations sont plutôt bonnes. Je n’ai pas la grande journée, mais j’ai une belle journée. Je comprends donc, lucide, qu’une course aboutie me mènera autour du top 8. C’est l’avantage de ne pas se fixer d’objectif clair de résultat en amont de la course : on peut l’ajuster pendant. J’ai de l’énergie, et les supporters français, en feu, apportent le surplus. J’entame petit à petit ma remontada, patient, confiant, appliqué. Aux alentours du km 40, je rattrape Vincent Bouillard, le coloc, l’ami. J’avais rêvé d’un scénario qui nous offre quelques bornes partagées. Ça semble se concrétiser. On s’encourage, on se tire, on se pousse. On bosse ensemble, pour l’équipe. Nous reprenons Adam Peterman. À la sortie du dernier ravitaillement, nous avons Andrzej Witek et la 7ème place dans le viseur. Ça s’annonce dur, mais pas impossible. J’y crois, j’ai encore du jus, je me sens fort en bosse et fluide en descente. Pour soutenir l’effort que je m’apprête à fournir, j’augmente considérablement les glucides, passant de 50 gr/h à 80-90 gr/h. Malheureusement, je vais le payer, quelques minutes plus tard. Mon niveau d’énergie chute, des crampes me saisissent l’estomac. J’ai le réservoir qui fuite. Je ne fais que trop rarement du gut training, je ne suis pas assez consciencieux sur ma nutrition à l’effort, au quotidien, la faute à quelques petits démons résiduels hérités de ma jeunesse. Et je suis en train de le payer. Le retour de bâton, logique. À partir de là, rejoindre la ligne d’arrivée devient un long chemin de croix. Je m’arrête une dizaine de fois sur le bord du chemin pour soulager mes intestins et observe – impuissant, assis, l’herbe haute caressant mes fesses rougies – les gars me dépasser et le top 10 m’échapper. Malgré la frustration, je tâche de faire au mieux. Pour le classement par équipe : on ne sait jamais. Vincent me double, cela me met du baume au cœur : je m’accroche tant bien que mal à son porte-bagage. Je franchis finalement la ligne d’arrivée en 9h25 empreint d’une émotion contrastée : la joie du titre par équipe, la frustration d’avoir raté le dernier coup de pinceau de mon tableau individuel.
Baptiste Chassagne podium Championnats France Trail 2025
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LE BILAN : LA DÉCEPTION DU JOUR J, LA SATISFACTION DE TOUTES CELLES QUI ONT PRÉCÉDÉ

Le bilan est contrasté. Je suis heureux du titre par équipe. D’autant plus qu’une connexion à part nous relie. On est véritables potes plus que simples camarades. Je suis mitigé vis-à-vis de ma performance individuelle : satisfait du début, triste de la fin. Je suis déçu de ne pas avoir concrétisé ma belle journée. Je suis lucide quant à mon niveau : une très grande journée m’aurait amené au mieux dans le top 5. Devant, c’est un autre monde. Je suis fier du chemin parcouru : je suis devenu compétitif sur ce qui de prime abord n’est pas mon terrain, ni mon format. Derrière la déception, intense, se cache néanmoins, déjà, une conviction profonde : cette année 2025, envisagée comme une « saison-étape » pour devenir un ultra-traileur plus fort et plus complet en 2026, est une réussite. Le fight magnifique, au Ventoux by UTMB, avec Ben Dhiman, charismatique Poulidor de l’UTMB par la suite ; puis le podium, aux Championnats de France, derrière Benjamin Roubiol & Louison Coiffet – les deux jeunes traileurs les plus talentueux de la planète – sont pour moi des témoins du cap passé et un levier à activer pour éviter que la déception de ces Mondiaux ne fragilise le socle que je suis en train de construire. Pour résumer, j’ai la déception du Jour J, et la satisfaction de toutes les journées qui ont précédé.

LA SUITE : LA DIAG’, PEUT-ÊTRE, POUR VIVRE UNE AVENTURE

Cette saison, je suis volontairement sorti de ma zone de confort. J’ai quitté – un temps – la planète ultra-trail qui m’épanouit pour m’enrichir d’un voyage au-delà de ses frontières. J’en reviens le baluchon bien rempli : d’émotions et d’apprentissages. Je ressens désormais le besoin et l’envie de me focaliser pleinement sur cette distance qui m’attire plus que tout et, je crois, me correspond : le 100 miles. Depuis mes débuts dans ce sport, en 2018, je me prépare patiemment pour cela. Et jusqu’à présent, je n’en ai couru que 2 : l’UTMB 2023, et l’UTMB 2024. Pour la fin de saison, j’ai donc décidé – en accord avec mon coach et en paix avec mon état d’esprit – de me faire un cadeau : me laisser l’opportunité, si la récupération est bonne, de découvrir la Diagonale des Fous, le mythe. Sans pression du résultat. Pour prendre de l’expérience. Pour me faire plaisir. Pour vivre une aventure.

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